C'est une eau qui s'écoule des rebords d'un bol. Un bol qui dégorge, un bol insistant, un bol sans fond, sans fin, sans pitié, un bol qui ne veut pas se vider. Cela goutte, dégoutte, déborde, coûte que coûte, sous une pression constante faible mais têtue. Le liquide tourne, affleure, hésite, déborde ; il s'en échappe un peu, un tout petit peu, avec une régularité effrayante, juste assez pour tout tremper autour sans que cela ne sèche jamais. Le récipient repose ainsi dans une boue épaisse qui masque sa base, le fixant par succion dans une stabilité mouvante ; sa position n'est pas fixe, elle varie dans une faible mesure mais il serait impossible d'établir un point d'équilibre dont il s'éloignerait pour se rapprocher ensuite ; chaque position est égale et indifférente.

Le liquide est boueux, l'eau du dedans, la boue du dehors se mélangent à travers la paroi. C'est peut-être le secret de ce mouvement, une dissolution permanente, le secret de cette matière qui affiche une viscosité qu'elle peine à soutenir quand on tente de la saisir, laissant une sensation fugitive qui s'acharne à disparaître aussi vite que possible, laissant les doigts vides et désemparés.

La boue est grise, légèrement bleuté ; le liquide presque opalescent ; le récipient brun clair. Cela se trouve dans une niche un peu humide, suffisamment sombre pour qu'il faille un peu de temps pour arriver à distinguer l'ensemble. Il y a une petite ouverture vers le haut d'où pénètre vivement la lumière du soleil pour former une minuscule tâche aveuglante qui vient troubler la vision autant qu'elle fournit le peu de lumière du lieu.